Le Message

A l’origine du livre se trouve l’opposition du rond et du carré. J’ai voulu marier ces deux opposés fondamentaux, deux formes fermées, parfaites. L’une est statique et l’autre dynamique. J’ai fait beaucoup de tableaux carrés ou ronds afin d’y inscrire et d’y enfermer mes schémas. J’ai une profonde préférence pour le cercle. Pourquoi ? Je ne sais pas, et je ne veux pas trop le savoir. Il y a équivalence entre le bord de la roue qui tourne et son centre immobile : si la roue tourne bien, le centre, comme la circonférence paraissent immobiles. C’est comme la poterie : tu peux faire un pot si le centre (ton centre) est immobile. Un carré, c’est lourd et cela interdit tout mouvement.

L’important ne réside pas tant dans le contenu du livre que dans la forme.

Toutes les pages sont carrées. Chaque page de gravure contient un cercle; chaque page de texte a été justifiée en carré, ce pavé étant lui-même contenu dans une fenêtre imprimée par estampage.

J’ai toujours aimé me donner des contraintes : ça libère ! Si, si… (et la facilité, je l'ai plutôt en horreur...)

A partir de là, de nouvelles contraintes, encore.

J’ai voulu un texte ésotérique, que j’ai conçu comme un exercice de style, de vocabulaire et de syntaxe. Je n’ai pas cherché une profondeur de sens. Pour deux raisons. L’une, négative, est que mon propos ne se situait pas, par exemple, au même niveau qu’avec Autoportraits. Le caractère est rare, et correspond à l’esprit de ce qu’il composte. La même structure syntaxique revient page après page : sept lignes, une répétition sur les cinq premières, et une exorde finale. Il n’y a pas plus de « correspondance » à établir avec l’image, hormis la géométrie.

La seconde raison, plus forte, réside dans le faux appel du titre. Il pose qu’il y a un message : que quelque chose est proféré. Mais ce message, ce n’est pas tant un contenu compréhensible à chercher dans une profondeur, en dessous de la forme : au profond de l’ésotérique, il n’y a pas plus de clarté. Le message en question, c’est plutôt quelque chose qui se déroule, qui se déploie en un défilé : au sens étymologique du mot, c’est une théorie. Cette théorie d’animaux, ce défilé de textes et d’images « com-pliqués », ça « s’ex-plique », ça se « dé-plique », ça se déplie : pour la seule et bonne raison que le livre est fait en accordéon. Il mesure 7 mètres de long !

 

La technique des gravures, elle aussi, est innovante. Elle est faite avec de la colle et du papier journal, plus quelques petits « gribouillassons » à l’acide nitrique. Le papier journal est découpé en bande et collé. L’acide le ronge et le troue, entre par où il veut, mais gênée par la colle, sa morsure se révèle en opposition totale avec la netteté absolue de la gravure centrale. Cette opposition est renforcée par celle des encrages : à la poupée en périphérie, au rouleau au centre, pour atteindre à cette netteté et cette douceur de crème.

Je me suis réservé une autre difficulté : la plaque est pleine page, puis pour le centre, au lieu d’une plaque, jouent quatre morceaux de plastique qu’il m’a fallu replacer exactement au même endroit à chaque passage sous presse. Pur désir d’innover, d'aller plus loin.

Jacques Caux

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